Perçu de façon dynamique, comme un processus d’appropriation réflexif de la tâche, le travail émotionnel témoigne de l’activité déployée par le sujet pour mettre en débat les normes et la normativité. Le travail réel opéré pour articuler les différentes normes du milieu, ici typiquement les règles de sentiments, relève, par définition, largement d’un travail invisible et subjectif. C’est pourquoi nous ne pouvons donc pas nous contenter de certains usages restreints du concept de travail émotionnel comme tâche ou prescription, source d’exigences spécifiques liées à la production. Et nous ne pouvons pas non plus réduire le travail émotionnel à son acception managériale (en matière d’auto-management ou de management émotionnel). Développée dans tous les travaux destinés à former, coacher ou préparer les salariés à affronter des situations exigeantes de façon normalisée, cette approche gestionnaire renvoie à une rationalisation émotionnelle qui pousse à une intériorisation du contrôle mais aussi de la responsabilité (Cabanas, Illouz, 2018).
Utilisé en français, le concept de travail émotionnel mérite ainsi d’être précisé pour lever ses ambigüités liées à la notion de travail et en révéler toutes les vertus d’analyse. En définitive considérer le travail émotionnel suppose d’embrasser largement - mais aussi simultanément - la situation d’interaction entre l’organisation, le salarié et le(s) bénéficiaire(s) de l’activité. C’est ce que proposent les articles de ce numéro et plus largement du dossier, qui, discutant le concept, en montrent son utilité comme ses limites.
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