Chercheur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.e.s
Équipe Modes, espaces et processus de socialisation
Thèse soutenue en 2023 intitulée : "S’engager dans l’armée de terre. Des jeunes de milieux populaires en quête de respectabilité face aux logiques institutionnelles"
Sous la direction de : Sylvia Faure, professeure d’université, Université Lyon 2, Centre Max Weber.
Mots-clefs : socialisation, institution militaire, jeunesse, classes populaires, dispositions
Résumé : Cette thèse est consacrée à l’étude des conditions et modalités, à la fois institutionnelles et individuelles, de l’engagement volontaire dans l’armée de terre de jeunes hommes et femmes destiné
e s à occuper les emplois militaires subalternes. Ces dernier ère s sont âgé e s de 17 à 30 ans, généralement peu doté e s scolairement et le plus souvent issu e s des milieux populaires. La thèse repose sur une enquête ethnographique menée entre 2013 et 2016 au sein de plusieurs centres militaires (des centres de recrutement, de sélection et de formation) organisant l’entrée dans le métier de soldat e et d’un régiment de combat. L’enquête articule observations, entretiens et analyses documentaires.La recherche s’intéresse tout d’abord aux conditions sociales, institutionnelles et biographiques de l’attrait pour le métier de soldat
e. L’analyse des politiques actuelles de recrutement et de leur genèse socio-historique donne à voir les spécificités de l’offre d’emploi militaire peu ou non qualifiée et les rôles sociaux joués par l’institution militaire dans l’éducation citoyenne de la jeunesse populaire ainsi qu’en tant qu’employeur de jeunes majoritairement titulaires d’un diplôme professionnel (équivalent ou inférieur au baccalauréat). L’analyse des trajectoires biographiques des aspirant e s soldat e s et recrues amène quant à elle à mettre en évidence la manière dont les expériences socialement situées de ces dernier ère s ainsi que leurs prédispositions, incorporées dans les sphères familiales, scolaires et professionnelles peuvent nourrir leurs aspirations militaires tout en façonnant des rapports à l’engagement différenciés.La thèse étudie ensuite les confrontations entre logiques populaires et logiques institutionnelles, en portant une attention particulière aux rapports de force et aux formes de domination qui s’exercent entre recruteur
euse s ou formateur rice s militaires et jeunes en amont de l’engagement puis durant les premiers pas sous l’uniforme. Elle permet de révéler les ressources dont disposent, en situation, les premier ère s pour faire valoir leurs jugements institutionnels et les seconds leurs préférences personnelles. Du côté des candidat e s et jeunes recrues, l’enquête montre que les ressources scolaires, corporelles, sociales, ainsi que les dispositions de genre et les appartenances ethniques sont capitales dans la délimitation des aspirations militaires légitimes et dans les verdicts et classements institutionnels. La quête de respectabilité poursuivie par les jeunes socialement et scolairement peu doté es à travers l’engagement militaire se confronte à des logiques institutionnelles qui peuvent être source de satisfactions autant que de désillusions. Quant aux recruteur euse s et instructeur rice s militaires, l’enquête met au jour les effets de leurs trajectoires et de leurs conditions de travail sur leurs pratiques professionnelles. Si une partie du travail de ces agents mobilise leur sens pratique et leurs savoirs issus de leur passé combattant, ils et elles sont également amené e s à se familiariser avec des procédures bureaucratiques de même qu’à répondre à des prescriptions institutionnelles à adopter un ethos commercial et à mener un « travail éducatif » à l’égard des jeunes, des injonctions avec lesquelles ils et elles sont parfois en tension.Ainsi, en suivant le fil du processus d’engagement dans ses différentes étapes, la thèse éclaire les logiques sociales qui orientent les opérations de sélection et d’élection des « bonnes recrues », à rebours d’une rhétorique institutionnelle méritocratique et de procédures avant tout décrites comme standardisées, rationnelles et égalitaires. Elle révèle ainsi comment opère, en pratique, et dès les premières confrontations institutionnelles, la reproduction de l’ordre social, de l’ordre des genres et de l’ordre racial sous l’uniforme militaire.