Cet article analyse une situation rarement travaillée en sociologie des professions, celle où des médecins salariés ont un mandat de contrôle des pratiques d’autres médecins libéraux sans remettre en cause leur juridiction. Si cette configuration de « contrôle consultatif » a bien été identifiée par Andrew Abbott comme l’une des modalités possibles de règlement des conflits de juridiction, elle n’a pas fait l’objet de développements empiriques du fait de sa rareté et de sa fragilité supposée.
À partir du cas du contrôle des prescriptions des médecins généralistes intervenant auprès des résidentes d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) par des médecins coordonnateurs dont c’est l’une des missions officielles, nous mettons en évidence les obstacles cognitifs, normatifs et organisationnels à l’exercice de ce contrôle. Ces résultats sont issus d’une enquête menée à la fois dans l’arène légale où se nouent des compromis dans une écologie liée entre les représentants des autorités publiques et ceux de la gériatrie et de la médecine générale et dans l’arène organisationnelle des EHPAD, à partir d’entretiens conduits auprès de 45 médecins coordonnateurs et portant sur leurs relations ordinaires avec leurs pairs médecins traitants.
Nos analyses confirment les intuitions d’Andrew Abbott quant aux difficultés d’exercer un mandat de contrôle consultatif tout en insistant davantage que lui sur la pertinence de l’échelle organisationnelle pour comprendre les conditions dans lesquelles se stabilisent les frontières des territoires professionnels.
En savoir plus : article et numéro disponibles intégralement en libre accès sur le site Web de la revue