Cultures publiques

Responsables de l’équipe : Sophie-Hélène Trigeaud et Camille Couvry

Les chercheur.es de l’équipe réalisent des travaux sous le prisme de lecture des « Cultures Publiques », source de dialogues renouvelée à l’interne et dans le champ scientifique. Des recherches y sont engagées autour des marginalités et des situations limites, des mémoires, de la patrimonialisation et des imaginaires urbains, des espaces publics et des urbanités, et enfin des corps genrés, ethnicisés, classés, subalternes, vulnérables et/ou résistants.

L’objectif de l’équipe, ces dernières années, a ainsi été de mettre en commun différentes approches sociologiques des « Cultures publiques ». La diversité des objets et des entrées problématiques a conduit à s’engager dans une voie plus structurée scientifiquement. Trois sous-axes, s’entrecroisant régulièrement, ont ainsi été exposés et discutés par les membres de l’équipe et restent à prolonger :

1. Mémoires, patrimoines, urbanités, et cultures publiques

Engager les questions de mémoire, de patrimoine et d’imaginaires sociaux depuis la problématique des cultures publiques a permis de leur apporter des enrichissements notables. Tout d’abord, dans la manière de poser les problématiques mémorielles et patrimoniales en les fondant d’emblée comme des problèmes publics qui se posent à l’ensemble d’une communauté d’acteurs. De ce point de vue, les notions de politique patrimoniale ou mémorielle perdent de leur « autorité » institutionnelle, les « spécialistes » se retrouvent mis en débat par des « profanes » ou des témoins engagés, les discours sur le « passé » et les pratiques de revitalisation se retrouvent au cœur des questions les plus vives de la définition des urbanités contemporaines, ils nourrissent les projets de transformation des territoires, de renouvellement des savoirs. Dans cette perspective (Michel Rautenberg ainsi que plusieurs doctorantes et membres associés), les questionnements sur la mémoire et le patrimoine conduisent à interroger ce qui constitue nos imaginaires sociaux des lieux. Des ouvrages et une exposition en rendent compte.

Son apport heuristique est également visible dans les travaux de plusieurs membres de l’équipe autour de l’immigration postcoloniale, travaux qui ont l’ambition de valoriser une action publique d’inclusion et de reconnaissance de la diversité en particulier dans sa dimension mémorielle. Différentes publications soulignent l’enjeu d’équiper les compétences critiques des publics profanes, des décideurs et des acteurs publics de la mémoire, et de favoriser un décentrement ouvrant sur d’autres récits et interprétations à différentes échelles. Dans cette visée, ils ont constitué un réseau de recherche européen ALTERPASTS de 11 partenaires (universitaires et praticiens dans 7 pays) à la suite d’un projet H2020 (dir. française Ahmed Boubeker avec Marie-Thérèse Têtu et Alain Battegay), présélectionné en mai 2017 mais finalement non retenu en 2018. Les membres du réseau se mobilisent sur d’autres projets et préparent notamment une publication commune visant une amélioration de la connaissance et la participation aux cultures publiques de la mémoire de mémoires négligées ou oubliées en Europe.

2. Problèmes publics et cultures publiques

Cet axe réunit les travaux portant sur les situations construites comme problématiques et les corps désignés comme déviants ou « vulnérables » par des politiques, des discours, des acteurs publics. Les recherches ont porté sur le problème public de "l’accès aux soins" des personnes sans abri en France, la création et l’articulation, tant au niveau local que national, de dispositifs de soins dédiés aux sans-abri ou de "droit commun". Elles ont aussi concerné un programme d’accès direct au logement des personnes sans-abri (selon un modèle importé des pays anglo-saxons) ainsi que les problématiques de vulnérabilisation du lien civil dans les espaces publics, et de construction de l’urbanité dans le contexte d’une ville populaire. Les recherches, proposées et co-dirigées par Julie Thomas, ont porté, quant à elle, sur le poids du genre et du milieu social dans la prise en charge médicale ou familiale des personnes vieillissantes. Elles ont mis au jour, à partir de l’expérience des enfants et des conjoint.es aidant un senior perdant des capacités (Pegase : DREES 2016-18), ce que le genre et la classe faisaient à l’aide, et ce que l’aide faisait au genre. C’est aussi la perspective adoptée pour le projet pluridisciplinaire PrescAP (MSH-LSE, 2019-20), s’intéressant à la « prescription d’Activité Physique » par les médecins traitants aux seniors et ses effets sur les inégalités sociales et genrées. Les travaux ont également poursuivi des recherches déjà commencées avant le début du quadriennal, comme celles sur les rapports de genre et de classe au sein des filières scolaires techniques fortement masculinisées ; sur le « genre de l’assistance » à travers l’accueil des femmes sans-abri à Saint-Etienne et Montréal ; ou, encore, les « résistances ordinaires » des héritiers des immigrations ou des skins, punks ou toxicomanes à l’épreuve des rapports de domination (avec l’ANR Socio-Resist et l’HDR de J. Beauchez). Enfin, le réseau national et international de recherche « Aux frontières du sans-abrisme » (co-dir. Pascale Pichon, Maurin) présenté dans le bilan transversal, initié et animé par des membres de l’équipe 4 depuis 2010 (trois doctorant.es, une post-doctorante, une chercheuse PU), est à la fois représentatif de ce sous-axe, et de l’entrecroisement de tous les sous-axes dans l’activité scientifique de l’équipe.

Sur la période, deux orientations problématiques ont structuré le séminaire du réseau :

  • a/ Quelles relations entre recherche et médias ? avec pour objectif de comprendre les différentes tentatives d’exposition, de visibilisation et de publicisation de la recherche en sciences sociales concernant le domaine du sans-abrisme ;
  • b/ Les épreuves d’habiter : visant une meilleure reconnaissance et la garantie d’un habiter décent en dehors du logement ordinaire, en réfléchissant à l’élaboration d’un nouveau droit social (séminaires d’échanges avec architectes, juristes praticiens, membres associatifs et acteurs des politiques publiques).

3. Cultures scientifiques publiques, secteur public de la Culture et médiations

Les travaux concernés intègrent les nouveaux outils et médias, mobilisent les images dans l’enquête (ou portent sur les images). Ils abordent le rapport entre arts et sciences (interdisciplinarité et collaborations dans les champs de la photographie, vidéo, architecture, design). Ils recherchent la mise en visibilité publique de la recherche à travers diverses formes d’expression et s’interrogent sur la prise en compte de la place du chercheur dans l’espace des publics. Ils investiguent enfin le secteur public de la Culture et ses professions. Le projet « Émergence de l’art contemporain en Auvergne-Rhône-Alpes » (EACARA), mené depuis 2013 à l’initiative d’acteurs de la vie artistique régionale, d’anciens responsables de structures culturelles et de chercheurs constitués en comité de pilotage, est emblématique de cet axe. En 2018 un financement du Ministère de la Culture et un prix de la Fondation UJM obtenus par Pascal Vallet et Michel Rautenberg ont permis de coordonner une équipe de chercheurs pluridisciplinaires, des vidéastes de la MSH-LSE, un programmeur-développeur et une designeuse graphique ; et de réaliser un outil numérique, actuellement en cours développement et de valorisation (avec la SATT Pulsalys). Des recherches de membres de l’équipe portent sur la constitution des professions artistiques (Serge Proust) dans le secteur public du spectacle (musique, théâtre) ainsi que sur leurs mobilisations collectives à l’occasion des différentes réformes de l’assurance chômage. Le poids du genre, là aussi, a été pris en compte et analysé dans plusieurs publications.

Les chercheurs de l’équipe sont engagés dans d’autres réseaux de recherche, ce qui a pour effet de rendre plus difficile l’engagement en interne dans des opérations de recherche fédératrices. Néanmoins des opérations de recherche initiées au sein de l’équipe 4 fédèrent des membres du Centre Max Weber en dehors de l’équipe du fait même des thématiques abordés. L’opération transversale du CMW « In Situ. Faire voir et faire parler les métamorphoses du travail » (mars 2017, pilotage Pascale Pichon), en partenariat avec le pôle recherche de la Biennale internationale du Design de Saint-Étienne, est significative de cette insertion dans le territoire, également perceptible dans les liens étroits unissant les deux masters du département de sociologie de l’UJM (Formes et outils de l’enquête ; Politiques sociales et développement territorial). L’ancrage local est non seulement important en termes de visibilité et de stratégies d’enquête, de financement et encore de création de liens institutionnels et d’articulation avec les enquêtes conduites par les étudiants (formation à la recherche), il est également une heuristique. La recherche portant sur l’émergence de l’art contemporain dans la région stéphanoise dans les années 70 est un exemple de cet ancrage ; tout comme la recherche au long cours (sur 5 ans), menée par S. Proust en partenariat avec l’école d’architecture de Lyon, portant sur les étudiants de différentes écoles supérieures d’art de Lyon et Saint-Étienne, financée par la Métropole de Saint-Étienne. Soulignons enfin la participation de plusieurs membres de l’équipe au labex IMU sur des opérations résolument pluridisciplinaires, en particulier avec des architectes et des spécialistes du signal (création d’un Studio Expériences sensibles et Recherche urbaine ; projet Partager la fabrique du patrimoine urbain (FAB-PAT co-dirigé par Michel Rautenberg) et l’Observatoire photographique du territoire stéphanois (Optimum).